Les accords de paix au Mali signés en 2015 à Alger sont aujourd’hui au point mort. Pourtant, ces accords signés sous les bons offices de plusieurs pays dont entre autres l’Algerie et le Niger, peinent à se concrétiser. À la déception des uns, s’ajoute la rébellion contre des accords qui sont considérés par certains maliens comme allant à l’encontre de la souveraineté du pays. Pendant ce temps, le terrorisme ne fait que gagner du terrain rendant la situation au Mali encore plus complexe. Il faut ajouter à cela l’arrivée des mercenaires de Wagner et le départ de Barkhane du Mali. C’est par rapport à toutes ces préoccupations que le Secretaire-general du Mouvement pour le Salut de l’Azawad ( MSA ) qui regroupe plusieurs anciens fronts armés au Mali, Moussa Ag Acharatoumane a bien voulu nous accorder cette interview exclusive qui fait l’état des lieux de tous les défis auxquels le Mali fait face actuellement.
Ou en est-on avec l’application des accords d’Alger de 2015 qui ont mis fin à la rébellion armée ?
Effectivement, cela fait pratiquement six mois que le processus de paix était malheureusement bloqué à cause des incompréhensions entre les parties signataires. L’espoir est revenu depuis la réunion décisionnelle que nous avons tenue à Bamako récemment . Des annonces et des engagements ont été pris. Je pense qu’on peut s’attendre à ce que, dans les jours à venir, l’Accord retrouve un nouveau souffle et peut-être avancer un peu plus. Cet accord fait partie du processus de refondation de notre pays, le Mali ne peut plus se dispenser d’une nouvelle forme de gouvernance qui va s’adapter aux réalités du moment car nous sommes une société en pleine mutation, ce qui a valu il y a 60, ne l’est plus aujourd’hui.
Des voix s’élèvent au Mali pour demander une relecture desdits accords, autrement dit, de nouvelles négociations autour des différents points. Qu’en pensez-vous ?
Une relecture de l’accord dans les conditions actuelles est extrêmement difficile. C’est une boîte à pandore même si l’accord prévoit sa relecture en son article 65 si les parties s’accordent dessus. Il faut aujourd’hui avancer sur le processus de paix car il a trop traîné. le temps joue contre nous tous.
L’annonce du recrutement de 26 000 ex-combattants dans l’armée et la fonction publique est-elle un bon signal pour l’effectivité de la signature des accords de paix ?
Oui c’est un bon signal attendu par tous. Ceci dit, il faut joindre la parole à l’acte en concrétisant cet engagement. Aujourd’hui, les besoins sécuritaires exigent cela pour mieux faire face à la menace.
Que pensez-vous des accusations faisant état de connexion entre certains ex-combattants et la nébuleuse terroriste ?
Il faut je pense avancer sur le processus de paix pour justement à la longue mettre fin à toute forme d’accusations. Reconstruire notre armée pour mieux faire face aux crises sécuritaires multiples auxquels le pays est confronté.
La présence des éléments du groupe Wagner aux cotés de l’armée malienne est-elle une bonne ou une mauvaise chose pour les ex-groupes armés ?
C’est un sujet sur lequel je ne souhaite pas trop m’attarder. Ceci dit, la sécurité de notre pays ne se ferra à la longue qu’avec une armée reconstituée et forte pour remplir ses missions régaliennes.
Dans une récente interview, vous avez mis en exergue l’expansion de l’état islamique dans la sous-région. Que faudrait-il faire pour inverser la tendance ?
D’abord que nos dirigeants prennent acte de cette menace inédite, je fais allusion au Mali, au Niger, au Burkina, le Tchad, à tous nos voisins du magreb mais aussi du sud du Sahara. Ils doivent avoir une réponse commune face à cette menace qui ne va épargner aucun d’eux encore moins leurs citoyens. Cette menace progresse dans le vide, l’absence de nos États dans certaines parties de leurs territoires, elle progresse et s’étale aussi car elle se nourrit du chaos, du chômage, de l’oubli, des conflits locaux, des nombreux jeunes sans perspectives laissés au bord de la route. Tout ceci est une aubaine pour Daesh qui va en profiter au maximum. Nous avons en face des gens qui administrent des terroirs en lieu et place de nos États. Il faut qu’ils en prennent conscience.
Pour inverser la tendance, une conjugaisons des efforts, une synergie d’action, une réflexions commune, un partage d’expériences est nécessaire pour venir à bout de cette menace. Le degré de violence instauré dans nos régions est loin des conflits inter ou intra-communautaires. On doit faire un travail pour dissocier les actes de Daesh qui justement instrumentalise les communautés, des petits problèmes liés aux pâturages, à l’eau ou entre éleveurs et agriculteurs. Nous avons en face de nous des gens qui ont bien réfléchi leur projet. C’est une erreur que de penser que c’est quelques motos. C’est beaucoup plus profond que cela.
Que pensez-vous des éventuelles conséquences du départ de Barkhane du Mali ?
Barkhane est partie, aujourd’hui nous sommes face à nos responsabilités. Qu’on les assument pour prouver à tout le monde qu’on peut sécuriser notre pays et nos populations. Le reste c’est pour amuser la gallérie.
Propos recueillis Par Garé Amadou