L’annonce par l’Etat nigérien de l’augmentation du prix du gasoil après plusieurs semaines de pénuries, a entrainé des violentes réactions sur les réseaux sociaux. Des réactions souvent très passionnées qui dénotent cependant d’une méconnaissance des vraies raisons qui ont amené l’Etat à prendre cette mesure temporaire pour faire face à cette crise énergétique mondiale qui n’épargne aucun pays.
On apprend ainsi que depuis 2013, pour garder les prix à la pompe intactes, (C’est qui d’ailleurs est une exception), le Niger a toujours eu à subventionner en réalité le carburant depuis 2011, en vendant à la SORAZ, le pétrole brut 40% moins cher que sur le marché international, ce qui représente en moyenne, pour l’Etat du Niger, un renoncement de 10 dollars par barils, soit 43 milliards de FCFA/an.
Aussi, toujours selon ces informations, la SONIDEP, en plus de la péréquation qu’elle fait sur le transport, pour que le Prix à la pompe soit identique partout au Niger, a supporté, depuis 2016, plus de 5 milliards d’incidence par an, pour absorber l’augmentation du Prix de cession. En plus, pour favoriser un fonctionnement régulier des centrales électriques et un prix de l’électricité bas, la SONIDEP supporte plus de 13 milliards de FCFA de différentiel par an. Tous ces mécanismes, qui sont en réalité aussi une sorte de subvention, contribuent à complexifier sa situation financière.
Or, selon les spécialistes de la question, l’idée communément rependue au Niger, notre résilience aux crises multiples observées ces dernières années sur le marché de l’approvisionnement des produits pétroliers dans le monde, est due beaucoup plus au modèle de société nationale de distribution que nous avons, la SONIDEP, plutôt qu’à l’existence d’une raffinerie. A voir toutes les variations observées dans des pays comme la Cote d’ivoire, le Ghana, le Nigeria, le Cameroun, le Tchad, etc., qui ont aussi des raffineries mais dépourvus de mécanismes comme le nôtre, en sont des illustrations parfaites.
Ainsi à titre d’exemple, le Ghana raffine près de 400 mille barils jour de brut le prix du litre du gasoil avoisine les 1000 fcfa. Quant à la Côte d’ivoire près de 45000 barils jours. Pour l’Arabie Saoudite, le prix du baril est aux environs de 1000 fcfa
La singularité de la crise actuelle ainsi que son caractère global et à tendance durable, n’ont pas permis à la SONIDEP d’avoir les mécanismes suffisants pour contenir la crise car, la forte pression qui s’exerce sur le Niger depuis le mois de mars 2022 ne fait que s’accroitre. Une pression due à deux facteurs à savoir la disponibilité de produit, et les coûts qui sont restés inchangés et bas.
Cette situation a accru un risque important de pénurie du gasoil sur l’ensemble du pays. Pour pallier ce problème, l’Etat a du suspendre totalement et ce depuis le mois de juin 2022, l’export et un rationnement du produit à la distribution. Cependant, l’anticipation salutaire de l’Etat, n’a pas empêché un doublement de la consommation domestique, conséquence en réalité d’une consommation essentiellement étrangère sûre et en dehors du territoire nigérien. Ce niveau de consommation, ayant déjà atteint celui de la production totale du gasoil produit par la SORAZ, ne fait que s’accroitre de façon exponentielle et risque, malgré tout, de créer une nouvelle vague de pénurie du gasoil au Niger.
Devant l’impossibilité de raréfier le produit pour les étrangers qui viennent s’approvisionner au Niger (à cause de la porosité des frontières et de la libre circulation des véhicules et des biens), l’Etat s’est vu dans l’obligation de faire une analyse approfondie de la situation. Cette introspection à permis de dégager comme piste de piste de la solution, la diminution de l’exportation sauvage à travers la réduction de l’écart des prix entre le Niger et ses voisins. C’est donc le souci de réguler le marché et dissuader les citernes venant des pays étrangers de charger le gaz au Niger, qui a conduit l’Etat à son corps défendant, d’augmenter le prix du gasoil. L’objectif principal visé à travers cette mesure est de garantir la disponibilité du produit sur le marché domestique.
En outre, on apprend également que le prix de 668 fcfa n’a pas été décidé au hasard. En effet, ce prix est identique à celui du Bénin d’où proviennent près de 70% du trafic des camions en provenance des ports de Cotonou, Lomé, Tema etc… Ainsi, le bas coût qui attirait les grossistes étrangers sera révolu, ce qui entrainera forcement un changement de destination pour ces camions qui s’aventureront vers d’autres pays de la sous-région. Ce qui de façon concrète réduira la pression exercée sur la SONIDEP en lui permettant d’alléger la consommation de gasoil qui est passée de 23 millions de litres à 50 millions de litres.
De plus, la situation de maintenance dans laquelle se trouvera la SORAZ pour 2 mois comme chaque 4 ans, oblige la SONIDEP de constituer un stock pour importer moins de gasoil, qui reviendra à la SONIDEP plus cher, au vu du prix actuel du marché.
La disponibilité du gasoil constitue donc pour l’Etat nigérien, un défi permanent et un souci constant.
En conclusion, l’augmentation du prix du gasoil vise deux objectifs à savoir, réduire la pression pour sécuriser la consommation domestique et permettre à la SONIDEP, qui subventionne en réalité le carburant à hauteur de plusieurs milliards, d’être en capacité de reconstituer les stocks et parer, malgré tout, à une probable pénurie. En définitive, les prix d’achats à l’international sont aujourd’hui beaucoup plus élevés que ceux nouvellement adoptés au Niger.
Quant à la crainte des consommateurs concernant un prétendu risque de flambée des prix des produits de première nécessité, on apprend qu’une étude qui a déjà été réalisée, a permis de mettre en exergue le fait que ladite inflation est déjà intégrée dans les prix actuels, du fait de la forte variation des prix dans les pays voisins depuis des mois. L’Etat nigérien estime ainsi sur la base de cette étude, que le risque d’une augmentation raisonnable. Mais comme un Etat qui se respecte ne dort jamais sur ses lauriers, les autorités nigériennes ont engagé des discussions avec les acteurs commerciaux afin de minimiser un éventuel impact de cette augmentation sur les prix à la consommation. De plus, l’Etat a mis en place un système de monitoring du marché pour détecter tout opportunisme.
Contrairement à certaines informations qui circulent actuellement particulièrement sur les réseaux sociaux, cette hausse n’est que conjoncturelle et temporaire. L’Etat informe l’opinion publique qu’il fera une évaluation progressive de la mesure, afin de pouvoir ramener les prix à la baisse au moment opportun. Ce qui est de nature à rassurer les consommateurs nigériens qui expriment des inquiétudes concernant les risque de vie plus chère
Garé Amadou ( Photo: Thomson Reuters)