Le devoir ecclésiastique et la promotion de l’environnement peuvent-ils faire bon ménage ? La réponse est affirmative comme l’atteste le travail de promotion du développement durable que mène l’abée Barnabé Bakary depuis 2010 au sein de la Société agro-piscicole de la Mé, située à Adzopé, dans le Sud de la Côte d’Ivoire, à quelques encablures d’Abidjan. L’homme a réussi le pari d’allier le prêche de la parole du Christ, et la promotion d’une agriculture durable au grand bonheur des populations qu’il côtoie quotidiennement. Mais comment en est-il arrivé là ? Quel est ce déclic qui fait qu’un homme destiné exclusivement à l’homélie dans une église, se soit investi dans l’agriculture ? Éléments de réponses.
Il faut parcourir à environ 105 km à partir d’Abidjan pour atteindre la société agro-piscicole de la Mé. C’est dans un espace verdoyant fait de forêts et de bassins d’eau qu’évolue notre personnage. Un espace paradisiaque où la nature est reine. Des milliers d’arbres de différentes espèces sont visibles à pertes de vue dès qu’on y accède, avec de nombreux bassins artificiels d’eau crée pour stocker l’eau des pluies et de ruissellement, ce qui permet la culture du poisson de type Tilapia avec lequel la société approvisionne les marchés et des magasins d’alimentation. C’est là qu’on rencontre le Père Barnabé Bakary.
Né en 1973 dans la ville de Katiola en Cote d’Ivoire, le père Barnabé a obtenu en 2002, un diplôme de Bachelor of Science in Agriculture, Environmental and Food Sciences. Il a ensuite passé sa 5ème année d’études à l’Ecole Supérieure d’Agronomie de Purpan (E.S.A.P.) à Toulouse de 2003 à 2004. Il obtient le Diplôme d’Ingénieur dans cette école. Il obtint par la suite un Master en Spécialisation en Stratégie de Développement Durable et Aménagement. C’est de 2004 à 2007 qu’il entreprend des études théologiques au Centre de Formation Missionnaire d’Abidjan (CFMA).
La passion pour l’agriculture cohabitait bien avec celle des études théologiques. Il explique les raisons qui l’on poussé à s’intéresser à ce domaine : « Déjà en famille, mon père, bien que étant fonctionnaire, faisait beaucoup d’agriculture. Nous passions la plus grande partie de nos vacances a exercer des travaux champêtres. Ensuite, étant enfant de cœur, j’accompagnais régulièrement dans les villages où j ai découvert l’extrême pauvreté des paysans malgré les nombreux efforts qu’ils fournissaient ». Ce fut le déclic qui va donner un sens encore plus profond à sa vie. « Ma préoccupation était pouvoir aider les habitants a améliorer leurs conditions de vie en plus de l’enseignement de la parole de Dieu » souligne-t-il. Ainsi, il sagissait pour lui d’allier enseignement de la chrétienté et développement durable.
Les résultats de son engagement saute aujourd’hui aux yeux pour peu que l’on parcourt la grande étendue de cette société qui est unique en son genre en Cote d’Ivoire, de l’aveu même de son collègue, Dr Youssouf Barry.
L’acharnement au travail et l’amour de la terre a permis de transformer des vastes étendues argileuses en grande plantations au sol enrichi en compost local, et au sein de laquelle des femmes des environs s’activent pour améliorer leur vie quotidienne avec les fruits des différentes récoltes.
Le père Barnabé est aujourd’hui fier de son engagement. « J’apporte ainsi ma contribution au développement. C’est ma manière d’évangéliser : aider à trouver des solutions durables pour les populations », dit-il. Un sacerdoce dont il tire l’inspiration des écritures bibliques qui l’encourager à trouver des solutions aux problématiques vitales auxquelles font face les populations à travers la promotion du développement durable.
Mais les choses n’ont pas été simples. Il avoue avoir rencontré l’opposition de certains confrères évêques qui ne voyaient pas d’harmonie entre le travail de dirigeant de paroisse et celui d’agriculteur. « Au début, ça a été difficile. Et quand je suis revenu ici après mes études, ces difficultés ont continué. Certains évêques, confrères et même paroissiens ne comprenaient pas qu’un prêtre puisse abandonner l’église pour s’adonner à l’agriculture. À un certain moment, j’ai même eu des doutes, mais je ne peux pas les étaler ici », raconte-t-il.
Il lui a donc fallu mettre son amour pour la terre en avant pour venir à bout de ces réticences. « J’ai discuté avec les responsables et les jeunes dans des congrégations religieuses. Ils ont fini par comprendre qu’il était important que des religieux s’y adonnent, ne serait-ce que pour assurer l’autonomie financière de l’église. Aujourd’hui, nous avons au moins quatre prêtres ingénieurs agronomes » a-t-il expliqué.
Aujourd’hui, la société réussit à améliorer le quotidien des populations en terme d’approvisionnement en poisson et fruits, mais également en traitement médical contre le paludisme qui est endémique dans la zone. Un traitement qui se fait grâce à la culture et à la production de l’Artemesia Afra. « J’apprends aux gens à se soigner de manière durable, à bien s’alimenter, à protéger leur environnement pour ne pas gâter cette belle créature que Dieu nous a donné », a-t-il conclu.
Garé Amadou
Ce portrait a été produit au cours de l’atelier de formation de journalistes francophones sur « la désertification et la gestion durable des terres », du 02 au 06 septembre à Abidjan.