Grande Muraille Verte, un projet ambitieux qui vise à transformer la vie de millions de personnes en créant une mosaïque d’écosystèmes verts et productifs en Afrique du Nord, au Sahel et dans la Corne de l’Afrique, constitue un espoir pour des populations localisées sur un long couloir de 15 km de large traversant tout le continent africain sur 7 800 km en passant par 11 pays. Elle doit relier Dakar (Sénégal) à Djibouti, et représentera environ 117 000 km2, ou 11,7 millions d’hectares. La recherche joue un rôle important dans l’atteinte des nobles objectifs de la Grande Muraille Verte. Le Dr ABDOU GADO Fanna, Enseignant-chercheur à la Faculté d’Agronomie de l’Université Abdou Moumouni, se penche ici sur le rôle de la recherche, de l’innovation et de la collaboration internationale dans la réalisation des objectifs de ce projet vital et innovant sur le continent africain. Voici l’intégralité des réflexions de cette spécialiste des questions environnementales et climatiques.
« Pour répondre à cette question, permettez-moi d’apporter des éléments de réponse à travers trois sous questions :
Comment les instituts de recherche africains peuvent-ils jouer un rôle plus important dans l’Initiative Grande Muraille Verte ?
Les instituts de recherche africains peuvent jouer un rôle plus important dans l’Initiative de la Grande Muraille Verte à travers ce qu’elles savent faire le plus, la recherche et la formation.
-Articuler les recherches vers des thématiques qui aboutiront à des résultats importants dans les prises de décision et d’action :
• les études sur les sols, donc pédologiques,
• la biodiversité, sa gestion et sa conservation,
• la dégradation des terres, donc la GDT,
• le changement climatique, ses impacts sur les milieux biophysiques,
• la sociologie,
• l’écologie,
• la régénération forestière.
Autrement dit, effectuer beaucoup de recherche afin d’augmenter les données dans ces domaines.
-Continuer la formation sur toute la chaîne des différents acteurs intervenant dans l’atteinte des objectifs de l’initiative de la Grande Muraille Verte : les programmes de renforcements de capacité doivent être axés sur les besoins et la nécessité de compréhension des grandes problématiques de la perte de biodiversité, les impacts de la déforestation, la dégradation de la terre, l’eutrophisation, le climat.
Aujourd’hui, ce sont : les pratiques agroécologiques, les techniques de restauration des terres (CES/DRS), les bonnes pratiques de la Gestion Durable des Terres (GDT), la Régénération Naturelle Assistée (RNA), l’écologie végétale qui doivent être traitées par les instituts de recherche africains
_Publier et vulgariser les résultats pour la résilience des populations et le développement durable.
Pour ce faire, les chercheurs et les enseignants-chercheurs doivent sortir de leurs bureaux, de leurs laboratoires, des classes et des amphithéâtres pour être sur le terrain avec, et, tous les acteurs.
Les résultats de la recherche doivent permettre à l’initiative de la Grande Muraille Verte le choix des espèces à planter, qui, s’adaptent aux différents stress de nos zones sahéliennes, tout en tenant compte de la démographie exponentielle et du contexte de changement climatique.
(i) Les scientifiques doivent être sur le terrain pour suivre l’évolution de la régénération, l’évolution de la transformation de ces écosystèmes et leurs impacts sur la vie des populations.
(ii) Les scientifiques apporteront donc des données sur la dégradation des terres, sur l’impact des objectifs de l’initiative de la grande muraille verte sur des écosystèmes dégradés c’est-à-dire naturelles et humains.
(iii) Les scientifiques doivent quitter leur bibliothèque, se détacher de leur écran et être en contact avec la réalité sur le terrain.
Quels sont les défis auxquels ils sont confrontés en matière d’accès au financement et de renforcement des capacités ?
Les scientifiques africains font face à de nombreux défis, il s’agit:
• Manque de ressources :
• Financement : Les budgets alloués à la recherche scientifique sont souvent limités, ce qui restreint l’accès à des équipements modernes, des réactifs et des infrastructures de qualité.
• Matériel : Le manque d’équipements de laboratoire et d’accès à des bases de données scientifiques constitue un frein majeur à la recherche.
• De nombreux chercheurs africains choisissent de poursuivre leur carrière dans des pays développés où les conditions de travail sont souvent meilleures et les perspectives d’avenir plus prometteuses.
• Cela entraîne une perte de compétences et de connaissances pour le continent africain.
• Infrastructures de recherche insuffisantes :
• Les universités et les centres de recherche africains sont souvent confrontés à des infrastructures vieillissantes et à un manque de connectivité internet, ce qui limite leur capacité à mener des recherches de pointe.
• Publications scientifiques : Les chercheurs africains ont souvent des difficultés à publier leurs travaux dans des revues scientifiques internationales de renom, en raison de barrières linguistiques et de critères d’évaluation parfois trop exigeants.
• Collaboration internationale : Les collaborations avec des chercheurs étrangers sont essentielles pour faire avancer la recherche, mais elles sont souvent difficiles à mettre en place en raison de contraintes financières et administratives.
Des efforts sont faits déjà mais doivent continuer et doivent être encore plus énormes afin de permettre aux instituts africains de recherche de travailler dans de meilleures conditions pour aboutir à des résultats importants et intéressants pour le développement durable de nos pays.
Comment les scientifiques africains peuvent-ils surmonter les obstacles tels que l’accès aux infrastructures de recherche et le financement des projets de collaboration ?
Les scientifiques africains font face à de nombreux défis, notamment celui du financement et de l’accès aux infrastructures.
Ils peuvent surmonter ces obstacles à travers davantage de:
• Collaborations internationales : En tissant des liens avec des institutions de recherche à l’étranger, les scientifiques africains peuvent accéder à des financements supplémentaires, à des équipements de pointe et à des réseaux de collaboration.
• Partenariats public-privé : En travaillant en étroite collaboration avec les entreprises, les gouvernements et les organisations non gouvernementales, les OSC, les chercheurs peuvent obtenir des financements pour des projets ayant un impact social et économique.
• Valorisation de la recherche : En mettant en valeur les résultats de leurs recherches et en démontrant leur pertinence pour le développement du continent, les scientifiques peuvent attirer davantage d’investissements.
• Formation et renforcement des capacités : En investissant dans la formation de jeunes chercheurs et en renforçant les capacités des institutions de recherche, les scientifiques peuvent développer un capital humain capable de mener des recherches de qualité et d’attirer des financements.
• Création de réseaux : En créant des réseaux de chercheurs africains, il est possible de partager les connaissances, les expériences et les ressources, et de renforcer la visibilité de la recherche africaine sur la scène internationale.
• Lobbying politique : En sensibilisant les décideurs politiques à l’importance de la recherche scientifique et en plaidant pour une augmentation des budgets alloués à la recherche, les scientifiques peuvent contribuer à améliorer le financement de la recherche en Afrique.
• Apprendre à faire avec ses moyens disponibles.
Quelles sont les initiatives nécessaires pour améliorer la mobilité transfrontalière des chercheurs ?
Des initiatives sont bien mises en œuvre mais doivent cependant continuer. Pour davantage améliorer la mobilité transfrontalière des chercheurs, les initiatives telles que :
• Financement de la recherche transfrontalière : Mettre en place des programmes de financement spécifiques pour encourager la collaboration entre chercheurs de différents pays.
• Création de réseaux de recherche : Favoriser les échanges et la coopération entre les institutions de recherche à travers des réseaux transfrontaliers.
• Développement d’infrastructures de recherche : Investir dans des infrastructures de recherche communes (laboratoires, équipements) pour faciliter les collaborations.
• Promotion de la langue commune : Encourager l’apprentissage de langues étrangères pour favoriser la communication entre chercheurs de différents pays.
• Université d’été : pour sortir avec les étudiants et les mettre en contact avec les communautés locales, les autorités locales.
• Ecole terrain : ces genres d’initiatives avec d’autres universités ou d’autres départements sont importants pour faciliter les échanges d’expertise.
• Reconnaissance des diplômes pour faciliter les déplacements des chercheurs
• Allouer plus d’indemnités en ce qui concerne les déplacements.
• Voyages d’études plus fréquents c’est-à-dire plusieurs fois au cours des années.
En somme,
1. La synergie entre la science, le politique et les communautés doit continuer à travers les activités du réseau avec les universités.
2. Les résultats de la recherche doivent tout le temps orienter les décisions pour changer la vie des communautés.
3. Financer davantage la publication des travaux de recherche
4. Mieux gérer les données scientifiques
5. Les chercheurs doivent être proactifs vers les bailleurs de fonds
C’est ainsi qu’entre autres, les institutions de recherche africaines pourront jouer pleinement leur rôle de recherche et d’innovation. Ce qui permettra à des millions de populations qui se trouvent sur son parcours, d’être non seulement résilientes, mais également d’avoir des opportunités de développement et d’epanouissenent.
Dr ABDOU GADO Fanna, Enseignant-chercheur à la Faculté d’Agronomie de l’Université Abdou Moumouni , en collaboration avec Garé Amadou.