La campagne agricoles se déroule normalement sur toute l’étendue du territoire nationale malgré quelques disparités concernant la pluviométrie dans les différentes régions du pays. Mais comme c’est le cas pour chaque campagne agricole, à coté de la principale préoccupation des agriculteurs sur la pluviométrie, se trouve celle de la crainte des ennemis des cultures qui peuvent anéantir les espoirs des paysans et compromettre la production céréalières. Pourtant, selon le Dr Hame Abou Kadi Kadi, entomologiste à l’institut nationale de recherche agricole du Niger ( INRAN) des solutions existent pour parer aux effets des actions des ennemis des cultures surtout concernant le mil qui est la principale culture vivrière au Niger.
Selon Dr Hame Abdou Kadi Kadi, plusieurs raisons peuvent expliquer le fait que les ennemis de cultures sont susceptibles d’apparaitre pendant les campagnes agricoles. Il cite ainsi la prolifération des ennemis cultures ; la multitude de ravageurs qui réduisent la production du mil ; le photopériodisme qui permet aux insectes de s’adapter sur les plants de mil ; les ravageurs qui causent des fontes de semis ; certaines espèces qui sont transportées d’un endroit à un autre par les animaux ; les techniques culturales dont le labour superficiel qui ne retourne pas bien le sol ; la persistance des attaques du mil par des ravageurs endémiques qui sont la chenille mineuse de l’épi, le striga, le mildiou ; et les méthodes de conservation et stockage des grains qui ne sont pas modernisés et favorisent l’émergence des insectes de stock.
Selon ce spécialiste des ennemis des cultures à l’INRAN, le changement climatique et ses effets ont également des conséquences sur la prolifération des ravageurs. Dr Hame Abdou Kadi Kadi explique ainsi que « les effets extrêmes tels que les vents de sable violents, les inondations, la hausse ou la baisse des températures, la sècheresse qui causent les infestations massives des ravageurs (maladies, insectes, mauvaises herbes) sur la culture du mil ». Il ajoute que « les variations subites de températures et d’humidité causent la résurgence des insectes, des maladies foliaires et des épis. Les déplacements en masse des ravageurs (sautereaux) qui attaquent et détruisent les champs de la culture du mil ». Ce changement climatique fait selon lui que les virus et bactéries provoquent des maladies en retardant la croissance et le développement des plants du mil.
Une des conséquences du changement climatique sur l’agriculture réside selon Dr Hame Abdou Kadi Kadi dans l’apparition ou l’invasion de nouvelles espèces de ravageurs, telle que la chenille légionnaire d’automne (CLA) qui attaque plusieurs cultures depuis 2016 dans la plupart des pays africains dont ceux du Sahel.
Hame Abdou Kadi Kadi explique que « les pertes de production causées par les nuisibles des cultures vivrières dont le mil au Sahel est la 2ème en importance après la sécheresse. Par exemple, la mineuse de l’épi de mil cause souvent de graves pertes de récolte, jusqu’à 81 % au Niger, et une faible qualité de grain de mil ».
Selon lui, « le Sahel est un écosystème très fragile qui doit être protégé contre les perturbations inutiles telles que l’utilisation d’insecticides qui tuent les parasites et les prédateurs bénéfiques ».
Malgré tous ces risques, des méthodes de lutte ont été développées par les chercheurs contre les ravageurs du mil. Dr Hamé Abdou Kadi Kadi explique : « Plusieurs méthodes de lutte ont été testées, dont la lutte culturale et la lutte chimique, pour réduire les dégâts des nuisibles du mil, afin d’améliorer la production du mil en Afrique de l’Ouest et plus particulièrement au Sahel dans le contexte de changement climatique ». Mais selon lui, « certaines méthodes de lutte sont impraticables (brûlis des résidus de récolte et labour profond pour réduire les insectes au sol) et/ou coûteuses (application des pesticides) ».
Alors que faire ? Selon Hame Abdou Kadi Kadi, « la recherche de stratégies alternatives s’avère importante pour lutter contre ces ravageurs au Sahel dont entre autres : les pratiques culturales qui consistent à la rotation des cultures (céréales et légumineuses), les écartements des plants, les manipulations des dates de semis, etc… ; la lutte biologique contre les nuisibles du mil, un exemple palpant est la maitrise l’élevage et les lâchées des agents de lutte biologique sont bien maîtrisés en station et en milieu paysan et les sacs sont produits et vendus aux producteurs ; la gestion intégrée pour une lutte contre le striga et le mildiou du mil ; le développement des stratégies de lutte contre les insectes de stock ; et le criblage et l’identification des variétés tolérantes aux attaques des ravageurs du mil, dont la chenille mineuse de l’épi du mil, du foreur de tiges et du mildiou du mil qui ont fait l’objet de plusieurs travaux au Niger et dans les pays du Sahel ».
En vue d’améliorer la production du mil au Sahel dans le contexte de changement climatique, Dr Hame Abdou Kadi Kadi recommande « la manipulation des dates de semis afin de réduire la survie et les dégâts des nuisibles du mil au Sahel ; la mise à la disposition des producteurs les variétés améliorées et lignées hybrides de mil tolérantes aux attaques de différents nuisibles ; la vulgarisation grande échelle de technique de la lutte biologique contre la chenille mineuse de l’épi de mil, dont la formation sur l’élevage et les lâchées des agents de lutte biologique et la vente promotionnelle des sacs de lâchées ; la vulgarisation des techniques de production et d’application des bio-pesticides contre les nuisibles (maladies, insectes, mauvaises herbes) du mil ».
Il reste que de l’avis de Hame Abdou Kadi Kadi, le financement conséquent de la recherche en vue de développer des méthodes de lutte intégrée et écologique de lutte contre les ravageurs du mil, reste la meilleure solution pour permettre de trouver des solutions innovantes afin de mieux lutter contre les ennemis des cultures.
« Si toutes ces recommandations sont appliquées, on peut améliorer la production du mil au Sahel dans le contexte de changement climatique » conclut le chercheur.
Garé Amadou