La récolte de l’oignon et particulièrement de ses semences fait des terroirs de l’Air une zone hautement bio stratégique. Pour cause, l’oignon est le produit agricole qui fait la notoriété du Niger avec une contribution majeure à l’économie nationale grâce aux investissements dans cette filière porteuse, créatrice d’emplois et des revenus qu’elle génère de sa commercialisation tout le long de sa chaîne de valeur.
Faut-il le savoir, l’oignon est le produit dominant dans les exportations agricoles nationales qui positionne notre pays en tête des pays producteurs au Sahel, voire en Afrique de l’Ouest. Sa chaîne de valeur est la plus dynamique et inclusive avec plus de 600.000 tonnes en 2017 de production annuelle et plus de 18 000 acteurs qui la composent (FAO&Reca, 2018&2021).
Après la région de Tahoua en tête de production d’oignon au Niger, celle d’Agadez la seconde avec un avantage comparatif déterminant dans la production des semences d’oignon grâce aux conditions géo climatiques et agro écologiques propres à l’Aïr.
Ainsi, la période de mars à mai dans les massifs de l’Aïr n’est pas propice à la récolte des bulbes pour la vente. C’est plutôt, le temps de récolte de semences auxquelles nous accordons plus d’intérêts dans cette étude descriptive.
La culture de l’oignon dans l’Aïr est une pratique endogène cumulativement avec la culture du blé et bien d’autres cultures irriguées comme l’orge et l’ail. Les terres de cultures sont les vallées et les massifs, là où l’eau est disponible.
L’oignon étant une plante bisannuelle, la production de semences, chez la majeure partie de sous variétés (eco types) d’oignon, nécessite une photopériode longue jusqu’à la floraison. Sauf pour la variété dite ‘’Violet de Galmi’’, plus commune au Niger, dont la floraison est plus hâtive du fait de la conduite de la culture propre aux terroirs de l’Aïr. Ici, sur et aux pieds des massifs de l’Aïr, la production d’oignon se fait selon la technique de plantation des bulbilles. Ce qui permet de gagner presque deux mois de temps en comparaison de la technique de semis en pépinière.
Les premières fleurs qui se forment sur les premières hampes (tiges) provenant des bulbilles se regroupent en ombelles qui par la suite donnent des capsules dans lesquelles mûrissent les semences.
De couleur blanc-verdâtre, les fleurs sont groupées en ombelles de 50 à plus de 500 et jusqu’à plus de 700 fleurs, en fonction des variétés. Chaque fleur possède 6 étamines et un style qui surmonte l’ovaire contenant une paire d’ovules.
La fécondation est facilitée par les insectes de toutes sortes: abeilles, mouches, papillons, libellules, etc., qui transportent les pollens d’une fleur à une autre.
Aussi, un appui manuel par un passage de la main sur les ombelles, peut être apporté pour avoir un taux de fécondation plus élevé.
La récolte est effectuée délicatement à la main, ombelle par ombelle. Les tiges sont coupées à 3 – 4 cm en dessous de l’ombelle. La récolte est faite en conditions sèches en évitant les heures les plus chaudes.
Le séchage des ombelles doit s’effectuer obligatoirement avant le battage. Il commence immédiatement après la récolte, afin d’éviter une augmentation de la température par fermentation. Le séchage, tel qu’observé, se fait à même le sol sur les bâches étalées ou mieux sur des rachis finement encordés en nattes et sous formes de claies bien tressées. Les ombelles sont versées sur les matériels préfabriqués en couche d’épaisseur plus ou moins variable pour faciliter le séchage. Au fur et à mesure, on procède au remuage ; régulièrement les amas d’ombelles sont remués et si necessaire deplacés, pour les abriter du soleil, dans un endroit aéré.
A la suite d’une exposition de 2 à 3 semaines et le constat de l’ouverture des capsules, les producteurs passent à l’extraction des semences qui s’effectue délicatement. C’est le travail réservé exclusivement
aux femmes avec leurs mains agiles.
De la même façon qu’on décortique le mil, c’est de cette même façon qu’on décortique les capsules contenant les semences d’oignons, d’après nos observations des opérations de récolte dans le village d’Emalawlé sur le mont Bagzam.
Par la suite, lorsque les semences d’oignons sont récoltées et séchées, le producteur fait décortiquer la quantité dont il aura besoin pour la mise en place de la pépinière de sa future culture d’oignon qui s’étalonne de Juin à fin décembre suivant la disponibilité de l’eau d’une localité à l’autre.
Le restant des semences n’est décortiqué dans des mortiers qu’au fur et à mesure que le besoin se fait sentir.
D’ailleurs pour une question de conservation de stockage et de sécurisation, sans procéder à l’extraction et au décorticage, le producteur sauvegarde le reliquat dans de gros sacs qu »il accroche au toit des magasins. Ce qui constitue à la fois son épargne et son assurance semences pour la prochaine campagne. A titre indicatif, la mesure de semences d’oignon « tiya » a coûté en 2024 plus 75 000 FCFA.
Pour cette même période, la recolte de l’ail est la troisième qui intervient dans l’Aïr. C’est d’ailleurs la plus importante récolte qu’attendent le pays et tous les producteurs. Son importance se justifie par la valeur marchande de l’ail. Le ravitaillement des provisions familiales est conditionné par la vente de l’ail en cette période.
La plantation de l’ail passe par la séparation des caïeux (gousses) avec le choix des plus gros, sains et bien formés. On
plante les caïeux à 3 cm de profondeur, pointe en haut, espacés d’environ 10 cm, en rangs distants de de 20 à 30 cm.
Dans les jardins du mont Bagzam, les parcelles d »ail sont à côté de celles de l’oignon. Les exploitants veillent à ne pas le cultiver sur des parcelle qui se ressuient mal.
L’ail est une plante peu exigeante qui peut pousser dans tous les sols s’ils sont aérés et non sableux.
L’ail peut se suffire du restant de la fumure des cultures précédentes. Une fumure de fond, pourvue en potasse, en soufre, mais pas d’azote, peut être profitable.
L’ail est une culture écologique qui ne se succede pas à une culture de sa même famille botanique. Avec l’ail si l’on a pris soin de planter des gousses saines, on peut avoir des plantes vigoureuses.
L’Air est le pôle de production d’ail au Niger. Sa culture fait partie des pratiques agricoles bien ancrées dans les systèmes de cultures irriguées propres aux terroirs de l’Air.
Beaucoup de producteurs vendent une infime partie de leur production d’ail pour pouvoir faire des provisions et avoir de quoi payer les ouvriers.
Toujours est-il que ceux qui peuvent stocker l’ail pourront avoir un meilleur prix.
A propos, retenons que la conservation de l’ail est plus facile que celle de l’oignon bien qu’appartenant à la même famille. Pour bien conserver l’ail durant plusieurs mois, il suffit de bien récolter en évitant d’exposer longtemps les gousses à la chaleur du soleil. Il est important de récolter l’ail avant que les feuilles se dessèchent.
La récolte de l’ail fait intervenir le travail féminin. En effet, les femmes participent activement à la recolte mais, beaucoup plus, au niveau de l’opération de séparation des gousses de leur tige. Elles font ce travail avec minutie.
La rémunération reçue peut paraitre disproportionnée, a priori. Les femmes s’intéressent plus aux feuillages de l’ail pour nourrir leurs animaux. Elles payent souvent l’ouvrier qui va déterrer l’ail suivant le nombre de planches récoltées. Si le producteur a de l’ail feuilli, son travail va consister à demander aux travailleurs de lui ramasser les gousses et de les mettre à l’ombre. De sirte, la récolte de l’ail donne lieu à un moment de troc tacite entre producteur- récolteur(es)- ouvrier(es) où le producteur verra sa production d’ail bien récoltée, les ouvriers leur rémunération et les femmes bergères auront du fourrage pour leurs animaux.
Les feuillages séparés des gousses sont séchés et stockés dans de gros sacs et distribuée au fur et à mesure que la bergère en aurait besoin.
Tout comme, la récolte, le sechage de l’ail aussi se fait à l’ombre. Au bout d’une dizaine de jours de séchage, le producteur met l’ail recolté et séché dans des sacs dont la contenance varie de 60 à 100 kg. Il peut les stocker dans des magasins aérés ou même sous des arbres touffus en apprêtant des bâches ou des plastiques pour les couvrir du contact des pluies exceptionnelles liées au changement climatique dans l’Aïr.
Apres la recolte et le sechage des gousses d’ail, chaque producteur veille sur l’état de conservation de sa récolte à l’indication de l’intensité olfactive dégagée par l’ail entreposé. S’il y a plus d’odeur, cela signifie la détérioration de l’ail entreposé.
Le bon moment pour vendre l’ail est la période post saison des pluies pour les producteurs de l’Aïr. Le prix du kilogramme varie de 300 FCFA à la récolte, à 2500 FCFA suivant la demande.
Le 13 Mai dernier, l’ail se vendait auprès du producteur à 650 FCFA sur le mont Bagzam. Occasion saisie par
les commerçants grossistes pour acheter auprès des jardiniers vulnérables, l’ail sur pied, in situ dans leurs jardins, partir stocker et attendre la hausse des prix.
Afin de sécuriser les producteurs et durabiliser les systèmes de production agricole dans l’Aïr, un dispositif d’information d’éducation, d’encadrement et de surveillance doit s’implementer auprès des producteurs pour anticiper les différentes forme de vulnérabilités pouvant se manifester tout en renforçant leur Resilience avérée.
Évidemment, l’Air c’est le grand pôle agricole nourricier du Niger au cœur du grand désert du Sahara.
Dr Haboubacar Maman Manzo. Enseignant Chercheur Université Boubakar Ba de Tillaberi au Niger en collaboration avec Salouhou Djibrilla Person Data Ressource, IEPP Tabelot, Agadez.
15 mai 2025