Nous sommes allés, en ce mois de mars 2025 dans le bassin versant de Zarmou, en visite d’investigation sur la mise en valeur des retenues d’eau de Kassama et de Toumbala, dans les Communes Rurales de Albarkaram et de Zarmou, en région de Zinder.
L »objectif de cette visite de terrain est de recolter des données fiables à exploiter dans le cadre de nos attributions et mission d’enseignant chercheur et technicien du développement. Il s’agit aussi d’aller au-delà du cadre théorique, afin d’avoir des données réelles relatives à l’objet d’étude qui serviront d’étude de cas cas à partager sous forme de connaissances pratiques et d’expérience sur les dynamiques des communautés locales en relation avec la transition socio écologique en cours.
C’est donc une charge importantissime qu’il est nécessaire d’assumer et d’aborder avec soin, de manière ordonnée.
D’ou cette immersion dans cette vallée de Zarmou qui suit le parcourt du bassin versant depuis Bargouma, le nord ouest de Albarkaram passant par Kassama, à Almari, puis kampama et Toumbala, de Koubley à Zarmou, continuant à Garin Ali, Houk, Fotoro jusqu’à Mirriah.
Pour mener à bien cette investigation, nous avons choisi comme outils méthodologique, l’observation, les entretiens et les focus groupes.
Les premiers élements d’observation d’enquêtes, les informations collectées et l’analyse rapide des initiatives locales d’adaptation et de resilience dans le bassin versant de Zarmou, region de Zinder, au Niger, nous permettent de faire la description séquentielle ci après.
Dès notre immersion dans la zone d’étude, on observe que les deux retenues d’eau impactent le paysage de la zone et l’environnement global de ce bassin versant, du nord au sud suivant le transec de l’ étude.
Le constat qui ressort de la mise en valeur de ces ouvrages hydro-agricoles, surtout celui de Kassama avec un volume de 2 580 630 mètres cubes d’eau, pour la production des cultures céréalieres, le riz (déjà récolte) et le blé en phase d’épiaison, à notre passage (voir photos) témoigne des transformations qui s’opèrent et de la transition socio-écologique qui s’ enclenche dans cette partie du Sahel nigerien qui bénéficie, depuis 2 décennies, de la réalisation de 2 importants barrages.
En aval du barrage de Kassama, un autre ouvrage réalisé la même année (2007) dans le cadre du programme d’Appui au Développement Agricole dans la région de Zinder – PADAZ, financé par la BAD et le Niger en partenariat avec le PAM, est celui de Toumbala pour la mise en exploitation prévue de plus de 413 ha de terres sous cultures ceréalieres et maraîchères (piment, tomate, poivron, choux) et la pisciculture extensive, compte tenu de l’important volume et la profondeur du lit qui offrent des opportunités économiques aux communautés locales en assurant leurs stabilisation et ancrage à leurs terroirs.
Ainsi, s’agissant de l’occupation de l’espace, on observe d’un village à un autre l’extension des habitations par des nouvelles constructions et de nouvelles implantations comme au village de Almari sabouwa, initiative qui remodèe l’espace et le paysage de cette zone du bassin versant de Zarmou délimitée par les lignes de collines, à cheval entre la zone Sahélienne et la zone Soudanienne.
Suivant les villages, les dynamiques socio-économiques s’amorcent par le transfert des pratiques productives qui s’opèrent et s’enchainent aux rythmes des changements structurels et conjoncturels socio-écologiques en cours.
Avec la réalisation de deux barrages de Kassama et de Toumbala, les activités piscoles se sont développées et la filière attire plus d’acteurs autochtones et allochtones venant du Nigeria, du Tchad et du Cameroun.
Le commerce du poisson est une activité lucrative et rémunératrice qui trouve des débouchés suivant un circuit court intra-regional Kassama – Toumbala – Zarmou – Mirriah – Zinder. Un autre circuit; plus long, va de Zarmou vers les centres urbains comme Maradi, Tahoua, Niamey et au Nigeria. Le kilo de poisson carpe se vent sur place à 800 fcfa et à Zinder à 1000 fcfa. Quant au kilo de l’espèce capitaine (lates nilotica), il coûte 1250 fcfa à Zinder, le chef lieu de region.
L’élevage est l’activité prédominante dans la zone. Les espèces de petits ruminants (ovins et caprins) sont des bons spécimens rustiques et endemiques de la zone, c’est le cas de la chèvre blanche du Sahel. (Cf. photos).
Les autres espèces bovines, asines, equines et camelines font aussi partie du cheptel animalier des communautés locales du bassin versant de Zarmou.
Par ailleurs, les terroirs de notre zone d’étude renferme des gites de matériaux de construction avec la référentielle carrière de Bargouma et ses gisement de granulats alluvionnaires, incomparables pour leur qualité, servant à la construction des routes, pistes rurales et d’infrastructures socio-économiques dans la région et à travers le Niger. (Photos)
Au plan environnemental, les caractéristiques pluviométriques et géomorphologiques sont les principaux facteurs déterminant les dynamiques et les logiques des communautés locales.
C’est ainsi que l’étude a permis de détecter un changement dans les logiques d’occupation des sols autour des deux barrages de Kassama et de Toumbala. Il s’agit des investissements publics et privés dans l’intensification agricole et piscicole.
En effet, on observe des travaux d’extension, en cours à notre passage, des 63 ha de superficies initiales prévues à plus de 100 ha, par l’Office National des Aménagements Hydro-Agricoles – ONAHA, pour la mise en valeur des cultures irriguées au niveau du barrage de Kassama dans le cadre du programme Grande Irrigation en cours. A cela s’ajoute les extensions des terrains rendus moins incultes avec les abondantes pluies tombées depuis 2012 et une diminution des sols nus en relation directe avec les abondantes pluies de la saison 2024 et indirectement en lien avec les actions de conservation, de défense et restauration du sol et de l’épandage des eaux de surface au niveau de Kampama et plus loin dans les environs des villages de Houk et Garin Ali. Ce qui aurait permis aux communautés locales de mettre en valeur les potentialités naturelles (surfaces de décrue, parc à palmiers doum, aires de pâturage, arboriculture fruitière) tout en développant davantage des stratégies pour des initiatives propres d’adaptation et de renforcement de leur resilience.
La végétalisation du bassin versant de Zarmou se constate et s’ observe depuis l’amont du bassin versant, à partir du début de l’affleurement rocheux, au niveau du village de Kacheni, rive droite du lit du bassin et avant l’entrée dans les terroirs de Bourbourwa, d’où parte la ligne l’affleurement rocheux qui marque la rive gauche du bassin de Zarmou.
Ce phénomène de reverdissement général et spontané du Sahel Central attesté par la télédétection et décrit par plusieurs chercheurs dont M. Baro, B.Tychon, P. Ozer, Descroix, Leroux L. et al., met en évidence le redéploiement de la couverture vegetale, toutes les strates comprises, de la strate herbacée à celle arbustive jusqu’a la strate arborée.
Et comme observé sur le terrain, la diversité biologique faunique et floristique augmente plus aux abord des barrages, en faveur des actions initiales de mise en valeur du projet, des initiatives endogènes et des interventions des partenaires financiers, techniques au developpement (BAD, BM, GIZ, USAID, Enabel, PAM, FAO, PNUD et les organisations nationales) dans ce bassin versant.
De façon évidente, la couverture végétale se remarque un peu partout dans la vallée et jusqu’aux terrasses des lignes de collines et les glacis qui sont les éléments physiques de cet espace qui fait l’objet de traitement sous forme d’actions anti erosives et de régénération naturelle assistée (RNA) pratiquées par les communautés elles-mêmes.
Partant de ces éléments d’appréciation des initiatives endogènes, des dynamiques socio-écologiques et surtout le facteur de la variabilité climatique, nous optons pour un changement d’approche avec plus d’inclusivité et d’operationnalité afin que les initiatives communautaires soient le fondement sur la base duquel vont s’ériger les actions, projets et programmes de développement territorial inclusifs et durable, selon les réalités et les potentialités en presence.
Dr Haboubacar Maman Manzo, Université Boubakar Ba de Tillaberi au Niger, en collaboration et sous la Supervision; Dr Dogo Seck Membre du Bureau de l’Académie des Sciences et Techniques du Sénégal; Prof M. Baro Directeur du Bureau de Recherches en Anthropologie Appliquée (BARA) à l’Université d’Arizona aux USA.
30 mars 2025.