Comment lutter contre les effets du changement climatique sur les terres ? Cette question constitue une grande préoccupation pour les spécialistes de la question qui multiplient les recherches et études pour cerner le problème et trouver des solutions. Le Niger, pays dont plus de la moitié du territoire est désertique, subit de plein fouet les effets de ce changement climatiques. Les surfaces cultivables se réduisent comme peau de chagrin en raison d’une part de l’urbanisme galopant, mais surtout à cause de la dégradation des terres conséquence directe des effets du changement climatique. Docteur Idrissa Saidou Mahamadou, Doctorat en Agro-économie, Enseignant-chercheur à la Faculté d’agronomie de l’université Abdou Moumouni de Niamey, au département de sociologie et économie rurales, et Participant programme IVLP 2024 de l’état Américain, nous a brossé un diagnostic dramatique de la situation et a mis exergue la nécessité d’y remédier afin d’assurer la sécurité alimentaire des populations.
La situation actuelle du réchauffement climatique
Selon Dr. Idrissa Saidou Mahamadou, « la terre, est un support, un lieu de vie. Ce lieu où se passe des processus biologiques et chimiques, et aussi et surtout un facteur de production, est aujourd’hui confronté à des problèmes concurrents dûs aux effets néfastes du changement climatiques ».
Il rappelle que « l’Organisation Mondiale Métrologique, une institution spécialisée des Nations Unies qui fait autorité pour tout ce qui concerne l’état et l’évolution de l’atmosphère terrestre, et son interaction avec les terres et les océans, stipule qu’en 2022, déjà, la température moyenne sur la planète était supérieure d’environ 1,15°C (1,02 à 1,27°C) à sa valeur préindustrielle (période comprise entre 1850 et 1900) ».
L’enseignant chercheur explique que l’organisation projette également à peu près une chance sur deux (48 %) que la moyenne de la température mondiale à proximité de la surface de la Terre dépasse de 1,5 °C les niveaux de l’ère préindustrielle au cours d’au moins une année entre 2022 et 2026.
Les conséquences dramatiques du réchauffement climatique
Selon Dr Idrissa Saidou Mahamadou, “Ce réchauffement climatique a une lourde conséquence , en rendant la vie sur terre plus ou moins difficile, si des mesures ne sont pas prises pour une atténuation plus conséquente ». Il explique ainsi que « ces conséquences aggravent la dégradation des terres par la sécheresse, la désertification, l’érosion(quelle soit éolienne ou hydrique), la diminution de la teneur en matières organiques, la salinisation, la perte de biodiversité des sols, la désertification et les inondations( qui augmentent déjà en fréquence et en intensité) et d’autres phénomènes météorologiques extrêmes ».
« Or, a-t-il dit, la terre, est l’un des facteurs le plus essentiel pour tout développement socio-économique. Et toux les pays sont d’une manière ou d’une autre concernés par ces impacts. Sauf que, Malheureusement, les impacts sont plus ressentis par les populations des pays qui ne sont pas du tout responsables de leurs survenus. Je parle ici des pays Africains, qui ne contribuent qu’à moins de 4% des émissions de gaz à effet de serres . Pourtant, ils manquent des moyens technologiques et financiers nécessaires pour y faire faces ».
Il explique que selon les Nations Unies ,jusqu’à 65% des terres productives sont dégradées, tandis que la désertification touche 45% des terres en Afrique. Selon lui, « Si la tendance générale est à la baisse, la perte nette de forêts continue d’augmenter en Afrique, avec quatre millions d’hectares de forêts qui disparaissent chaque année ».
« Les zones arides d’Afrique sont très vulnérables au changement climatique et leur restauration est une priorité pour l’adaptation et la mise en place de systèmes alimentaires résilients et durables. L’Afrique compte un milliard d’hectares de terres arides, dont 393 millions d’hectares devant être restaurés dans les zones de la Grande Muraille verte africaine, y compris 33 millions d’hectares à restaurer en Afrique du Nord, 162 millions d’hectares dans les pays du Sahara-Sahel », ajoute Docteur Idrissa.
Selon le chercheur, « On estime que l’Afrique compte 132 millions d’hectares supplémentaires de terres cultivées dégradées – combinés au changement climatique, cela accroît la vulnérabilité de millions de personnes ».
Les principales causes des dégradations des terres
Les causes de cet effet sont selon lui multiples. « En effet, Les épisodes de précipitations extrêmes, les inondations, les écoulements importants des cours d’eau et l’augmentation de la fréquence des sécheresses sont autant d’événements liés au climat qui ont une incidence sur la dégradation des sols. La déforestation et d’autres activités humaines jouent également un rôle » dit-il.
Le Niger, pays dont les 2/3 sont désertiques, et où plus de 80% de la population dépend de l’agriculture pluviale, on estime que sur une superficie cultivable d’environ 15 millions d’hectares, soit environ 12% de la superficie totale; seule 3,8 millions d’hectares sont cultivés , soit 3% de la superficie totale et 25% de la superficie cultivable. Docteur Idrissa explique que « L’une des raison qui peut expliquer cette différence importante, est les conséquences des impacts du changement climatique. En effet, Les changements climatiques des dernières décennies ont induit une diminution des surfaces cultivables alors que la pression sur ces terres, liée à une forte croissance démographique, augmentait et que la fertilité des sols baissait. Ces dernières résultent en grande partie aux dégradations des terres dûes aux événements climatiques extrêmes (sécheresse, inondations, désertification, érosions) et à la mauvaise gestion des terres . Ce qui induit a une baisse régulière de la productivité agricole qui se traduit par une pauvreté accrue des communautés »
La conséquence de cet état de fait est que « plus de 200.000 ha de terres arables sont dégradées chaque année du fait des variabilités climatiques ou des interventions par l’homme ». Aussi, ajoute-t-il, selon des études c’est environ 50 % de la surface terrestre Nigérienne qui est composée de sols latéritiques dégradés avec un accès limite des agriculteurs et agricultrices rurales aux terres productives.
Docteur Idrissa souligne également que « dans les régions ouest et est du pays, qui sont les principales régions agricoles et d’élevage, la dégradation des terres est un facteur important qui contribue à la faible productivité agricole, l’insécurité alimentaire et à la pauvreté. Ce qui, des fois, détériorent les conditions de vie des communautés locales ».
Un impact économique important
Du point de vue économique, l’exemple de 2015, le chercheur nous apprend que la valeur totale annuelle de la dégradation était de 3,535 milliards de dollars US, soit 19 % du produit intérieur brut à parité de pouvoir d’achat de 2015.
Des solutions pour y remédier
Selon Docteur Idrissa, « Pour lutter contre les effets effets du changement climatiques sur les terres, plusieurs recommandations peuvent être formulées: la restauration des terres déjà dégradées, la mobilisation des ressources financières conséquentes pour y faire face(déjà que l’Etat s’est engagé dans la recherche des moyens nécessaire pour restaurer 3,2 millions d’hectares de terres dégradées à l’horizon 2030), le changement de comportement au niveau de certaines communautés qui continuent a y contribuer et d’autres mesures incitatives pour accroître l’adoption d’une meilleure gestion des terres, comme par exemple, le paiement des services écosystémiques, l’amélioration des infrastructures routières, et des services de vulgarisation ».
Si toutes ces mesures sont préconisées, elles auront selon lui des impacts importants sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages, une profitabilité accrue pour les exploitants agricoles et une atteinte de la souveraineté alimentaire.
On constate ainsi que cette question des effets du changement climatique constitue une question vitale pour l’humanité, plus particulièrement pour les pays dont les populations dépendent de l’agriculture. Si des mesures hardies ne sont pas prises, la dégradation continue des terres peut entraîner la disparition à long terme de l’humanité.
Garé Amadou
Photo: Giulio Napolitano/FAO