Le blé est une culture traditionnelle qui constitue l’une des composantes essentielles de l’alimentation vivrière et l’autoconsommation familiale des ménages de l’Aïr.
Le blé est la céréale produite sur place, auto-consommée et commercialisée partout dans l’Aïr comme denrée de base des repas dans les communautés touarègues de l’Aïr.
La culture du blé est en pratique dans la plupart des jardins de l’Aïr qu’il s’agisse du pied Mont ou du sommet des massifs, dont surtout le Mont Bagzam, en saison sèche froide.
La période propice au premier semis du blé est généralement le début novembre, mais selon les observations et informations recueillies du terrain (Salouhou Dj. Fev. 2025), la période de semis du blé se décale de quelques jours à 2 semaines au plus, en fonction de l’altitude du site agricole. Ainsi, le semi peut s’effectuer en décembre sur le massif et la récolte en fin mars et début avril. La fraîcheur est un facteur qui favorise le développement des plants du blé observe-t-on sur certains sites d’Egharghar, de Bagzam N’amas, d’Amérig, de Tassessat, Emalawlé et Okadédé, sur le massif de Bagzam.
Dans l’Aïr, la propension de la culture du blé s’effectue aux pas de la géomorphologie et du réseau hydrographique des terroirs.
Les vallées les plus réputées pour la culture du blé sont entre autres : Le plateau de Bagzam ;Toutes les vallées descendant du mont Bagzam dont : La vallée d’Affassas ; La vallée de Telawas qui se prolonge jusqu’à Barghot en passant par Tabelot, Imin Nabaro et illialène ; La vallée de Nabaro qui est le prolongement du principal kori qui traverse le Mont Bagzam ; La vallée d’Atkaki et Enfoug ; La vallée d’Abardac passant par Tewar; Et toutes les vallées descendant du Mont Bagzam vers le nord ayant participé à la création du kori d’Anou moukhouran;La vallée de Telwa jusqu’à Azzel; Et celle de l’Irhazer.
Dans les terroirs du Bagzam, selon le chef du Village de Tabelot l’Honorable Abdo Aboulkas, le blé cultivé a été introduit dans l’Aïr depuis plusieurs décennies par un certain Cheik Hasso qui a introduit le système d’exhaure (Tekarkart) et la culture du blé à Telawas, après qu’il ait fait un bref séjour à Eghazer (vallée d’Iférouane). Il aurait ramené les premières semences du blé du Yémen.
Par la suite, c’est Mohamed Dogo qui a introduit la culture de blé à Tabelot village, une dizaine d’années plus tard.(Salouhou Dj. Mars 2025).
La production du blé dans l’Aïr se base sur une liste restreinte de variétés locales (cultivars sélectionnés), dont la plus productive est la variété Bahaoussa, avec 7 graines par rangées de chaque épi. Sachant que chaque épi du blé à 4 rangées, on en compte une trentaine de graines par épi. Cependant, son goût est peu apprécié.
Puis la variété Tawat dont l’épi est sans épines. Chacune de ses quatre rangées portent 5 graines, avec un meilleur goût apprécié des consommateurs.
Une troisième variété Hayatan, qui porte 6 graines par rangée de chaque épi, est la variété médiane en termes de goût et de rendement. A ces cultivars locaux, une variété intensive en provenance d’Italie a été introduite en 2009 dans l’Aïr (INS, 2014), appelée Tamougazt (la secoureuse), d’un rendement supérieur à celui des variétés locales, de plus de 4,5 tonnes/ha qui a incité des nouveaux acteurs à investir dans la production du blé.
Système de production et conduite culturale du blé dans l’Aïr
Le blé est une culture qui nécessite, au tout début, un travail soigné de labour, suivi de la confection des planches, des conduites d’eau (les rigoles) , la récolte, le battage, le vannage et même le suivi du dispositif d’irrigation.
Pour s’assurer d’un bon labour, phase préalable et déterminante de la bonne conduite culturale, certains producteurs louent les services des propriétaires de tracteurs. (Voir photos)
En dehors du labour, tous les travaux sont faits manuellement.
Selon nos investigations, il faut, en moyenne 210 à 230 journées de travail humain (JTH) pour mettre en valeur un hectare de blé en irriguée, dans l’Aïr. Pour le labour, il faut plus de 80 a 90 JTH. L’émottage, la confection des planches et le désherbage font respectivement de 25, 30 et 25 JTH. Les autres travaux nécessitent entre 50 et 55 journées de travail.
Pour la culture du blé, le recours à la main d’œuvre reste lié aux phases végétatives de la culture. C’est surtout la main d’œuvre familiale qui domine dans la production du blé.
La main d’œuvre salariée saisonnière ou permanente n’est pas très fréquente sur les parcelles de blé. Ce qui dénote de son ancrage familial et vivrier, dans les traditions et la sociologie rurale de cette grande zone agricole de l’Aïr.
Pour les producteurs disposant des terres, au-delà de 2 ha, sachant qu’environ 400 planches font presque un hectare, le recours aux manœuvres salariés est sollicité pour le labour, le tracé des planches, le semis, les opérations de récolte et le gardiennage. Leur rémunération est faite en nature, en blé ou au cash. A titre illustratif, pour la récolte qui a commencé depuis la fin de février 2025 dans les exploitations qui sont au pied du Bagzam, comme à Tabelot, les manœuvres ne sont pas rémunérés en bottes de blé (koullassa) par personne et par jour de travail, mais en cash à raison de 1 500 à 2 000 FCFA par jour par personne; pour le battage et le vannage c’est 10% de la quantité traitée ou de son coût courant.
Les femmes représentent la part importante de la main d’œuvre agricole, très impliquées dans la conduite des opérations du semis et très actives dans les activités post-récoltes (récolte, battage, vannage et transformation). Les jeunes constituent aussi une main-d’œuvre efficace, car ils sont une force importante de travail qui peut être optimisée et perfectionnée, pour qu’elle serve de relai générationnel et de vecteur de transmission des connaissances et de nouvelles technologies pour la durabilité des systèmes agricoles en place, dont celui de la culture du blé.
A contrario, les jeunes locaux semblent plus intéressés et attirés par les cultures de rente comme la pomme de terre, la tomate, l’ail, les oignons et les agrumes qui leurs pourvoient des revenus plus importants.
En Somme la culture du blé dans l’Aïr est le maillon central de l’Agriculture irriguée et pivot du système alimentaire des communautés de l’Aïr qui le pratiquent et le perpétuent en association et en complémentarité avec les autres cultures maraîchères et fruitières qui s’offrent, grâce la disponibilité de l’eau permettant ainsi d’implémenter un résilient et durable système alimentaire porteur d’opportunités de développement.
1) Dr Haboubacar Maman Manzo SCL Arizona_Niger, EC Université Boubakar Ba de Tillaberi, Niger; 2) Salouhou Djibrilla DR, Tabelot, Agadez, Niger et 3) Assane Ka, Alioune Diop University (UADB), Higher Institute of Agriculture and Rural Training of Bambey, Sénégal .
18 Mars 2025